Depuis qu’Emma et Robert ont pris leur retraite, ils recherchent leurs enfants ensemble… à la crèche. Parce qu’Emma et Robert ne sont pas des parents âgés. Travailler plus longtemps ? Installé en Allemagne, ce Roumain et l’Ecossais ont choisi un chemin opposé.
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À l’âge de 35 ans, ils appartiennent au mouvement FIRE, acronyme Indépendance financière, se retire anticipée, c’est-à-dire indépendance économique, retraite anticipée. Le principe est de vivre frugalement et de faire croître votre argent pour cesser de travailler — idéalement avant 40 ans. Actif aux Etats-Unis ou en Allemagne, ce mouvement fait également des adeptes en France.
De nombreux blogs comme What life pourrait être par Emma et Robert, Our Next Life, Frugalwoods, et surtout M. Money Moustache, consultés par plus de deux millions de lecteurs par mois et traduits en plusieurs langues, partagent leurs conseils pratiques et cherchent à convertir la communauté la plus large possible à ce mode de vie. Du 2 au 8 mai 2019, Emma et Robert ont même organisé une Semaine de l’Indépendance à Budapest.
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Le couple fait partie des témoins interrogés par l’Allemande Gisela Enders dans son livre J’Stop Working. Les clés du frugalisme (Éditions Yves Michel, avril 2018), qui vient d’être traduit en français. A travers une quinzaine d’entretiens, le livre nous permet de mieux comprendre le profil de ces aspirants au chômage, d’étudier ce qui se passe lorsque la pression financière retombe dans la vie de tous, de se demander comment exister dans la société sans commerce.
Surfer sur le système capitaliste pour en sortir
Dans l’ensemble, ces jeunes retraités ne sont pas passionnés par leur profession d’origine. Parmi eux, peu de médecins, d’artisans ou d’acteurs. Au contraire, nous trouvons des développeurs, des ingénieurs, des personnes qui ont souffert de pressions, de manque de reconnaissance ou de sens dans leur travail. Et la plupart de ces nouveaux retraités ne sont pas des hippies anti-système : pragmatiques, ils exploitent plutôt les sources du système capitaliste… pour s’en sortir.
Plus plus précisément, ils ont habituellement un capital de départ ou une épargne intensive pendant quelques années. Ensuite, ils investissent dans l’immobilier, en bourse, par exemple dans des ETF (Exchange Traded Funds), ou sur des titres individuels. La plupart continuent également de recevoir des revenus passifs provenant d’activités fastidieuses, comme les sites Web offrant des avantages publicitaires.
Pour savoir s’ils ont atteint la liberté financière et sortent du salaire, les membres du mouvement suivent une « règle d’or » appelée 4% : avoir au moins une richesse 25 fois le montant de ses dépenses annuelles. S’ils s’élèvent à 2000 euros par mois, il faudra, par exemple, une richesse de 600 000 euros, ce qui nous permettra de vivre avec 4% du rendement généré.
Une fois recueillis, les adeptes du mouvement « Feu » cessent de travailler et trouvent du temps — beaucoup partent en voyage plusieurs mois de l’année ou se proposent simplement le loisir de vivre à leur propre rythme. Ce qu’ils semblent le plus apprécier, cependant, c’est la liberté trouvée. Certains continuer à travailler, mais avec beaucoup moins de pression, et beaucoup plus détendue vis-à-vis de leur patron.
Une vie à calculer
Mais cette liberté, comme tout, à un prix. Ces jeunes retraités frugalistes vivent dans le contrôle constant de leurs dépenses. Certains ne sortent jamais sans leur bouteille d’eau ou leur thermos, donc ils n’ont pas à acheter de boisson à l’extérieur. Les autres se déplacent dans des pays plus pauvres, au moins quelques mois par an, comme la Thaïlande, le Portugal ou la Bulgarie.
Pour rester dans les ongles de leur budget, ils partagent des astuces et des calculs. Comme multiplier par 173 leurs dépenses hebdomadaires — par exemple 10 euros de café — afin d’obtenir les économies qui peuvent être réalisées en dix ans (si l’on accepte de renoncer au plaisir du petit noir au comptoir). Enfin, tous passent beaucoup de temps à gérer leurs biens immobiliers et à réaliser des économies sur les tables Excel. Des modes de vie qui, à la fin, ne vous font pas toujours rêver. Alors que certains parviennent à développer des activités qui les épanouissent plus que leurs anciens métiers (vie associative, art, éducation des enfants…), beaucoup semblent très occupés, voire obscurcis par un seul objectif : atteindre et maintenir cette fameuse indépendance financière. Reste que ces Témoignages donnent une leçon intéressante en frugalisme, incitant à réduire les dépenses inutiles de la vie quotidienne pour se concentrer sur l’essentiel. À l’ère de l’intelligence artificielle, qui peut exclure les salariés du marché du travail, le livre engage également une réflexion sur la vie des chômeurs et le revenu universel. Et rappelle l’importance de donner un sens à son existence, de fixer des priorités. Sans forcément arrêter le travail.